Léuli Eshrāghi,
Florencia Sosa Rey

Étude pour AOAULI, 2020
Léuli Eshrāghi, Stuart Miller
Photographie numérique, 73,9 x 101 cm

Le projet AOAULI a bénéficié du soutien public de Creative Victoria ainsi que des collaborateurices Stuart Miller, Alexandra Grisedale, Rowan McNaught, Nadeem Tiafau Eshraghi, Dane Brookes, Max Delany, Angela Tiatia et Mitiana Arbon. Le projet a été réalisé à Mparntwe, Magandjin et Narrm.

Comment rester, 2024
Florencia Sosa Rey
Photographie numérique. Performance de 3 heures avec glace et tissus. Production: Fonderie Darling. Crédit photo: Philippe Latour.

Habiter par le geste, porter la mémoire

Léuli Eshrāghi et Florencia Sosa Rey posent leurs corps là où la mémoire demande à être réanimée. À travers la performance, le textile, la photographie ou la lenteur d’un mouvement, iels construisent un dialogue délicat entre présence, territoire et soin. Leur travail explore l’idée que l’habiter, dans ses formes les plus intimes ou les plus diasporiques, peut être un geste réparateur, un acte de résistance contre les violences de l’histoire, les ruptures de l’exil, ou les normes coloniales du visible.

Avec Étude pour AOAULI (2020), Léuli Eshrāghi se déploie sur un sol d’argile aride, enveloppé d’un tissu scintillant. Le corps, ancré dans le paysage, active une danse inspirée des gestes cérémoniels sāmoans. Le tissu blanc, à la fois fluide et résistant, remplace l’écorce battue traditionnelle (siapo ou tapa) et devient le médium d’un langage incarné, où chaque mouvement évoque une mémoire ancestrale transmise par les gestes plutôt que par l’écriture. La photographie saisit un moment suspendu, entre mémoire et métamorphose, dans un paysage où ciel et terre s’étendent sans bornes visibles. L’œuvre inscrit dans le présent un récit ancestral qui refuse l’effacement. Elle affirme une histoire de l’art autochto-queer, fluide, tendre, et ancrée dans les corps comme autant d’archives vivantes à réactiver.

Chez Florencia Sosa Rey, la performance Comment rester (2024) prend racine dans une traversée physique et affective. Allongé·e sur le sol, en contact direct avec des blocs de glace enserrant des tissus colorés, iel explore l’inconfort, la fragilité, l’effort de maintenir un lien face à ce qui fond, se défait, se dissout. Cette œuvre, née de marches en solitaire en Gaspésie, transposée à la Fonderie Darling à Montréal, interroge le poids du silence et le désir de connexion. Le corps plié, presque dissimulé dans un vêtement trempé, devient interface entre matières, sensations et récits. Chaque couleur, chaque pli de tissu gelé, contient une part de mémoire, comme si le geste performatif cherchait à dégeler des fragments de soi et du monde, à les rendre à nouveau palpables.

Les deux artistes partagent une attention fine à ce que le territoire fait au corps, et inversement. Iels lisent le lieu par le toucher, l’engagement sensoriel, la lenteur, l’ancrage. Leurs œuvres ne revendiquent pas, elles proposent : des passages, des invitations à ressentir autrement, à coexister dans l’ambiguïté, la vulnérabilité, la poésie.

Dans le cadre de Mémoire de l’avenir 2025, leur duo compose un espace de résonance entre l’intime et le politique. Leur travail esquisse des manières alternatives d’habiter : par le soin, la réappropriation des gestes, la mémoire des fibres, la tendresse comme outil de transformation. Face à un monde saturé de vitesse et de ruptures, leurs œuvres nous ralentissent, nous décentrent, et nous rappellent que le corps, performé, exposé, en lien, est un territoire à écouter.

Texte par l’équipe AUM

BIOGRAPHIE Léuli Eshrāghi

(iel)

Léuli Eshrāghi appartient aux clans sāmoans Seumanutafa et Tautua, et vit et travaille à Montréal, Québec, Canada. Sa démarche privilégie l’art et le design, les langues sensuelles et parlées, et les pratiques cérémonielles-politiques autochtones, noirs et asiatiques. Eshrāghi a présenté des œuvres d’envergure au Tate Modern, au Cinéma Moderne, au Staatliche Kunsthalle Baden-Baden, au FRAC des Pays de la Loire, au Museum of Contemporary Art Australia, aux Queensland Art Gallery | Gallery of Modern Art, à la Galerie de l’Université de Montréal et à l’Australian Centre for Contemporary Art, entre autres. Iel a notamment exposé aux biennales The National 4: Australian Art Now (2023), MOMENTA Biennale de l’image: Quand la nature ressent (2021), 22e Biennale de Sydney: NIRIN (2020) et Sharjah Biennial 14: Leaving the Echo Chamber (2019). Ses œuvres sont conservées par la Banque royale du Canada (Warrang/Tsi Tkaró:nto), le Fonds régional d’art contemporain (Carquefou/Nantes), et dans des collections privées au Canada, en Australie et à l’Île Norfolk.  

leulieshraghi.art @leulieshraghi

BIOGRAPHIE Florencia Sosa Rey

(elle/iel)

Florencia Sosa Rey œuvre en arts visuels, se base à Tiohtià:ke/ Montréal et a obtenu un diplôme en Studio Arts de l’Université Concordia. Par une approche multidisciplinaire ancrée dans une sensibilité corporelle, c’est principalement à travers le dessin abstrait, l’art performance et la vidéo que des questions sur l’histoire socioculturelle que porte son corps sont articulées. Considérant la solidarité et la nostalgie comme ressources réflexives pour se pencher sur l’hybridité identitaire, Florencia porte une attention particulière aux espaces physiques et psychiques habités par la distance dans la transmission de savoirs et des liens interpersonnels. Ses performances ont été présentées à la Fonderie Darling (Comment rester), à la Fondation Phi pour l’art contemporain (FatherDaughter), et Agrégat (Sources and Resources). Sa première exposition solo prend place au centre Plein Sud (In Search of Breathful Intimacies). Ses œuvres ont également été présentées au Livart, centre d’artiste articule, ainsi qu’à Québec, Toronto, Sudbury, en Islande, et en Argentine. Sosa Rey est récipiendaire de bourses du Conseil des arts du Canada, du Conseil des arts et des Lettres du Québec, de ARTCH et de LOJIQ. 

florenciasosarey.com     @florenciasosarey