SERGE CLÉMENT, BAHAR TAHERI

Minéral
Serge Clément

Logos
Bahar Taheri

TEXTE DU·DE LACOMMISSAIRE

Le binôme, Serge Clément et Bahar Taheri, met en dialogues deux artistes dont les œuvres investissent l’espace public, l’architecture et l’urbanité afin d’interroger les dynamiques de pouvoir qui y sont masquées. 

L’œuvre de Bahar Taheri, de sa série Logos (photolithographie et acrylique sur papier, 2019), déconstruit la relation aux bâtiments monumentaux en ayant recours à la géométrie et à l’abstraction. Dans cette œuvre, Bahar Taheri éclate la structure d’édifices publics dans lesquels sont investis les imaginaires dominants de la société. Elle reconstruit ces monuments sous une nouvelle configuration abstraite qui nous invite à reformuler notre relation à ce qu’on voit. L’artiste nous convie à ne pas prendre pour acquis les récits qui nous sont offerts sans les interroger. En altérant notre relation à la valeur du patrimoine monumental, l’œuvre de Bahar Taheri nous permet d’examiner les dynamiques de pouvoir collectifs et politiques qui sont imbriquées dans les structures architecturales.

L’œuvre de Serge Clément, Minéral (photographie en noir et blanc, 2017) nous demande aussi d’interroger notre relation à l’urbanité et à l’espace publique. Dans cette photographie, notre regard se retrouve à l’intérieur d’un échafaud et se dirige vers un extérieur urbain en voie de démolition. L’échafaudage incarne le changement, la construction, la nouvelle base d’un édifice à venir. De ce cadre en métal, l’œuvre nous pousse à nous demander : qu’est-ce qui doit disparaître pour faire place à une nouvelle structure urbaine ? Du point de vue de cette clôture de construction, nous voyons une petite maison montréalaise, un duplex classique en voie de disparaître sous le poids de l’échafaudage qui l’entoure. Une partie du bâtiment a déjà été rasée, et nous pouvons y distinguer, à peine debout, des fenêtres, un balcon… A qui appartient cette maison ? Quelle est l’histoire des personnes qui y vivent ? Ces personnes se font-elles déplacées de leur ancrage pour faire la place à la nouvelle structure qui s’érige ? Quelles sont les histoires qui se perdent dans ce processus de construction ?

Les œuvres de Bahar Taheri et de Serge Clément nous demandent tous les deux de réfléchir aux dynamiques qui se cachent derrière les structures urbaines. L’architecture dont on fait l’expérience au quotidien, dans l’espace public, n’est pas dénuée de dynamiques de pouvoir. Elle détermine, au contraire, les récits qui sont visibles et ceux qui sont invisibles ; elle configure ce dont nous avons ou pas accès. À travers leur pratique respective, Bahar Taheri et Serge Clément nous invitent à interroger plus globalement notre relation à l’esthétique qui nous entoure afin de déchiffrer la politique qui y est investie. Cet approfondissement de notre rapport à l’urbanité, à l’architecture, au monumental, aux structures du quotidien nous incite à développer un engagement citoyen critique envers le statu quo.

Photo : Bonnallie + Brodeur

BIOGRAPHIE SERGE CLÉMENT

(il)

Serge Clément vit et travaille à Montréal. Il pratique la photographie depuis 1975 et se consacre depuis 1993 exclusivement à la photographie artistique. Le travail de Clément a fait l’objet d’expositions solo dans différents pays d’Europe, à Hong Kong et au Canada.

Il a publié plusieurs livres photographiques ainsi que quelques livres auto-publiés. Il a aussi réalisé trois court-métrages à partir d’images photographiques : L’envol suspendu (2014), d'aurore (Ottoblix, Mtl, 2012), Fragrant Light / Parfum de lumière, (ONF, Mtl, 2002). Il poursuit cette interrogation cinéma-photographie lors d’une résidence d’artiste à la Cinémathèque québécoise en 2018.

Il est récipiendaire de nombreuses bourses du Conseil des arts du Canada et du Conseil des arts et des lettres du Québec. En 2012, le Prix à la création artistique du CALQ lui est décerné pour son film d’aurore (2011) lors des Rendez-Vous du Cinéma Québécois. Il figure au sein de collections institutionnelles et privées majeures au Canada, en Europe et à Hong Kong. Également commissaire, Clément présente, en co-commissariat avec Alexis Desgagnés,  Constellations, une première exposition québécoise sur les livres photographiques d’auteur,  à partir de sa collection. Elle fut exposée chez VU, centre photographique à Québec en 2014. 

Clément pratique une photographie de questionnement, de recherche et d'auteur. Offrant des images poétiques et déroutantes, sa démarche se décline du documentaire à l'installation en passant par le commentaire social, le récit poétique et l'essai photographique. Il travaille actuellement à Escale Cinéma 2.0 qui sera exposé au LUX Scène nationale à Valence, France en février 2022.

sergeclement.com @clement_serge

Photo : Camille Dubuc

BIOGRAPHIE BAHAR TAHERI

(elle)

Bahar Taheri est une artiste d’origine iranienne, née à Téhéran en 1980. Depuis 2014, elle vit et travaille à Montréal. Elle détient une maîtrise en peinture de l’Université d’Art de Soore à Téhéran (2009). Taheri a participé à des expositions solos et collectives en Iran, en Europe et au Canada. Elle est par ailleurs récipiendaire des bourses Vivacité, RechercheCréation (CALQ), Alliance-artiste en arts visuels (MAI) et DémART-Mtl (CAM). 

On retrouve ses œuvres dans la collection du Musée des beaux-arts de Montréal, au Musée d’art contemporain de Téhéran et dans plusieurs collections privées. En 2019, le Musée des beaux-arts de Montréal (MBAM) a sélectionné une œuvre de Taheri afin de marquer les 20 ans du Musée en Partage Programme. 

Le fait de vivre dans une région déchirée par des conflits politiques et culturels a galvanisé sa fascination pour l’histoire. Elle a récemment mis en branle un projet portant sur les structures architecturales et leurs rapports avec le pouvoir, la religion et le capital. Captivée par ses origines et par l’évolution de ce contexte difficile pesant sur son vécu, Taheri tente de délimiter les conditions nécessaires pour exacerber ce type de circonstances socio-politiques tout en portant une attention particulière aux détails et à l’enrichissement de son bagage culturel. 

Sa pratique artistique combine différents médias comme la peinture, la vidéographie, la performance et les installations mixtes.

bahartaheri.com @bahartist