ANDRÉ FOURNELLE, FRANTZ PATRICK HENRY

L’âme en exil
André Fournelle

Rogner les murs
Frantz Patrick Henry

TEXTE DU·DE LA COMMISSAIRE

Le binôme André Fournelle et Frantz Patrick Henry confère une conversation entre deux artistes dont les installations sculpturales portent sur les questions de legs, de territoires, de mémoires et de trajectoires migrantes.

L’œuvre d’André Fournelle, L’âme en exil (2013) est une installation autobiographique qui porte sur l’histoire de l’artiste. Né en Angleterre au début de la deuxième guerre mondiale en 1939, André Fournelle est adopté au Canada à l’âge d’un an, arrivant sur les côtes de la Nouvelle Écosse à travers une initiative de La Croix Rouge. L’âme en exil offre le récit de cette arrivée : alors que deux bateaux quittèrent les côtes de l’Angleterre, un seul arriva jusqu’à Halifax, l’autre ayant sombré durant la traversée de l’Atlantique. L’œuvre arbore une plaque de granite noire, une plaque funéraire avec cinq fusils dessus, représentant les cinq fusils de détresse qui sont tirés lorsqu’un bateau coule. La sculpture d’un bateau, forgé en acier, est remplie de sel dépeignant la traversée océanique. Au fond de l’installation, nous discernons une croix rouge, le drapeau britannique sur lequel se trouve l’image d’un bateau qui coule en mer et un X en fil barbelé. Autant L’âme en exil incarne un récit autobiographique, autant est-ce aussi une installation sur le deuil, sur la nature dévastatrice de la guerre, et un hommage à ceux et celles dont la vie et la mort n’ont jamais été honorées. 

L'œuvre de Frantz Patrick Henry, Rogner les murs (2021) est une installation qui porte aussi sur la mémoire et sur l’histoire. L’installation est une trame narrative qui parle du déplacement, de la métamorphose et de la régénération. Frantz Patrick Henry arrive à Montréal en 2011 suite au tremblement de terre qui afflige Haïti en 2010. Dans Rogner les murs, l’artiste construit une cartographie fabulée pour honorer les récits qui sont intérieurs à nous et les mettre en dialogue avec l’imaginaire des territoires. Dans les matériaux dont se sert Henry, nous retrouvons incrustées des cartographies des quartiers de Port-au-Prince dont il est originaire, et ceux de Montréal où il vit maintenant. Répandus dans l’installation se trouvent des parties du corps humain et des objets quotidiens, tel qu’on en retrouvait dans les débris après le tremblement de terre. La brique, comme matériau de construction utilisé dans l’installation, nous invite à nous demander à quoi ressemble la reconstruction du soi individuel et du soi collectif face au traumatisme et au déplacement. 

Mis en dialogue, les pratiques d’André Fournelle et de Frantz Patrick Henry nous convient à réfléchir au passé, à honorer les récits disparus et à se demander ce qui a été perdu afin de permettre la construction du présent et de l’avenir. Leurs œuvres, à la fois autobiographiques et fabulées, agissent comme un témoignage de l’histoire et de la mémoire. Le caractère architectural et immersif de leurs œuvres nous permet aussi de développer nos propres narrations, aussi multiples soient-elles, dans l’interaction de nos corps et de nos ressentis dans le rapport à l’espace même de leurs installations.

Photo : Michel Rico

BIOGRAPHIE ANDRÉ FOURNELLE

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Né en Angleterre, André Fournelle est adopté au Canada à l'âge d'un an. Sculpteur québécois, André Fournelle a étudié la sculpture en suivant des ateliers aux États-Unis, en Italie, en Belgique, en France et en Allemagne. En marge des cadres institutionnels de l'enseignement de l'art, il fait son apprentissage artistique à travers des lectures, des recherches et des expérimentations diverses.

Depuis les années 1960, Fournelle a exposé son travail à de nombreuses reprises tant au Québec, au Canada qu’à l’étranger. De 1968 à 1974, il a enseigné la sculpture à l’Université d’Ottawa. Il a signé plusieurs œuvres d’intégration de l’art à l’architecture, dont celle intitulée Un moment vivant (2000), réalisée pour l’aéroport de Taipei à Taiwan, et des interventions en plein air, comme sa Spirale (1989) en hommage à Robert Smithson, exposée dans le désert de Death Valley en Californie. 

Fournelle poursuit un cheminement dont le fil conducteur est la lumière: celle du feu, du néon et du métal en fusion. Il crée des signes, pose des actes symboliques. Ses œuvres parlent de déracinement et du passage fugitif du temps. De celles-ci, jaillissent une poésie et une force d’inspiration mystique et géopoétique. Dans la conception, l’orientation et la création d’œuvres, il tient compte du lieu, de son environnement et des thématiques proposées. Son travail résulte de la fusion de diverses sources d’inspiration tels que les éléments naturels (eau, terre, air, feu) et les formes géométriques pures.

andrefournelle.com

Photo : Camille Dubuc

BIOGRAPHIE FRANTZ PATRICK HENRY

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Frantz Patrick Henry est un artiste d’origine haïtienne qui vit à Montréal depuis 2011.

Diplômé de l’Université du Québec à Montréal (UQAM) en 2019, il a reçu la Bourse d’excellence en sculpture de la Fondation Mc Abbie de l’École des arts visuels et médiatiques de l’UQAM pour son installation Je suis nouveau ici en 2020.

Artiste pluridisciplinaire ayant vécu plusieurs transitions et changements de situations, Henry s’intéresse à la thématique du devenir à travers les médiums de la sculpture, la peinture, l’installation, la photo et l’animation. L’artiste utilise des matériaux de construction comme métaphore pour l’idée d’avoir constamment des denrées permettant de reconstruire ce qui ne cesse de se défaire, c’est-à-dire soi. 

De plus, par l’appropriation d’objets du quotidien déviés de leur fonction, ses œuvres se déploient le plus souvent sous la forme d’un site, invitant le·la spectateur·trice à faire l’expérience de l'œuvre sur le mode d’une géographie sociale. La peinture et la sculpture sont exploitées dans un souci de réinvention et de relation, conditions paradoxales d’une permanence comme d’un renouvellement de l’être.

Actif dans le milieu artistique de Montréal, Henry s’investit dans les centres d’artistes notamment à DARE DARE, où il siège sur le conseil d’administration, et au Centre Clark. 

frantzpatrickhenry.com @frantzpatrickhenry