PETER GNASS, BÉATRICE BOILY

Natur/Kultur
Peter Gnass

Crue
Béatrice Boily

TEXTE DU·DE LA COMMISSAIRE

Le binôme Peter Gnass et Béatrice Boily a lieu grâce à une rencontre ! Alors que Peter Gnass visite une exposition de Béatrice Boily (2020), il se rend compte que la pratique de Béatrice Boily porte beaucoup de similarités à la sienne. S'ensuivent une amitié, un échange intergénérationnel, de belles conversations et des projets collaboratifs, y compris, ce binôme dans le cadre de Mémoire de l’avenir.

Béatrice Boily explore la matière en tant que telle dans une pratique axée sur le processus. Crue (2019) est une intervention qui s’est tenue au cours de quatre semaines où l’artiste a extrait à la main une tonne d’argile crue d’une rivière avant de la remettre à nouveau dans le lit de la rivière. Les images de cette intervention agissent à la fois comme la documentation d’un processus et comme une œuvre photographique aboutie. Cette approche permet à l’artiste d’explorer la tension entre ce qui est concret, le caractère impermanent des manipulations sculpturales et la finalité de la documentation. Dans Crue, l’argile devient beaucoup plus qu’un simple matériau sculptural: elle devient un corps autonome, qui porte des récits, qui se transforme en relation avec le corps de l’artiste, et qui retrouve une autonomie transformée au retour dans le lit de la rivière.

C’est cette pratique qui parle à Peter Gnass, lui rappelant son propre travail dans l'abstraction, la géométrie, les progressions et les projections qui ressortent dans le développement de ces séries progressives. Peter Gnass explore la progression tout au long de sa carrière à travers la sculpture, le dessin et les installations. L’œuvre de Peter Gnass présentée dans le contexte de l’exposition Mémoire de l’avenir est Natur/Kultur (1984) qui est composée de la photographie d’un arbre endommagé par une tempête de glace dont les branches tombent à terre. Sur cette photographie, l’artiste transpose la structure d’un avion de guerre qui tombe à terre et qui est sur le point de s’écraser. Gnass évoque ainsi la destruction à travers la nature et à travers la culture, en particulier la culture de la guerre qui est très présente dans la vie et la pratique artistique de l’artiste, qui est lui-même un enfant de la deuxième guerre mondiale.

En tant que binôme, Peter Gnass et Béatrice Boily mettent en abîme une relation à la pratique artistique qui s’intéresse à la progression et au processus. Leur art nous invite à réfléchir la matière manipulée qui garde en elle son propre récit comme matériau, et qui porte aussi la présence du corps qui l’a mis en action. Ce couple d’artistes intergénérationnel·les désigne une lignée dans l’histoire de l’art contemporain québécois qui établit la continuité de l’engagement artistique envers la progression.

BIOGRAPHIE PETER GNASS

(il)

Né en 1936 en Allemagne, Peter Gnass vit et travaille dans le comté de Nicolet-Yamaska. Le parcours pluridisciplinaire de Gnass, figure de proue de l’art contemporain au Québec, s’échelonne sur un peu plus d’une cinquantaine d’années. Dès 1965, en tout début de carrière, le Musée des beaux-arts de Montréal lui consacrait une importante exposition individuelle. 

Artiste engagé, excellent orateur et pédagogue, il a été président de l’Association des sculpteurs du Québec de même que professeur agrégé au Département des arts visuels de l’Université d’Ottawa de 1975 à 1996. 

Membre de l'Académie royale des arts du Canada, il est aussi le lauréat de nombreux prix artistiques. Peter Gnass compte à son actif une multitude d’expositions individuelles et collectives présentées dans plusieurs villes du Québec, du Canada de même que partout dans le monde.

Intervenant depuis longtemps dans la sphère publique, il a créé plusieurs œuvres urbaines. On lui doit, entre autres, l’une des plus impressionnantes stations de métro à Montréal, c’est-à-dire la station Lasalle dont il a magnifié le sens, la lumière. Gnass sonde les potentialités de représentation de l’espace par le biais de structures linéaires, de notions de lumière, de transparence et de volume. Ses œuvres proposent des analogies formelles et symboliques dans lesquelles les traces et les fragments du temps et de la nature forment des chaînes associatives entre l’objet et l’idée. 

petergnass.com @p.gnass

Photo : Nina Médioni

BIOGRAPHIE BÉATRICE BOILY

(elle)

Béatrice Boily est une artiste née à Montréal, Canada. Elle a obtenu une maîtrise en Arts visuels et médiatiques à l’Université du Québec à Montréal avec mention d’excellence en 2020. Boily compte déjà à son actif une dizaine d’expositions collectives et solo, dont une en Italie pour la Biennale Giovani Monza en 2017.

À travers une approche résolument processuelle, la pratique de Béatrice engage à l’exploration du potentiel évocateur de la matière. Elle s’intéresse aux espaces de tension entre la concrétude sculpturale — l’expérience de son poids, de son échelle, de son odeur et de sa plasticité — et le caractère impermanent de ses manipulations.

Sa pratique n’est pas strictement orientée vers la réalisation d'objet : elle se réalise à même la manipulation de la matière. Son travail erre au sein des limites de la discipline sculpturale : réaliser une tresse de vingt mètres à même un champ d’herbes, dessiner le bitume avec des blocs de béton, soulever quarante livres d’argile accrochées à ses cheveux. La matière n’est pas seulement manipulée, mais bien éprouvée par son corps agissant.

Ces corps-à-corps s’inscrivent à travers des enregistrements photographiques et vidéographiques. Les images ainsi obtenues se présentent à la fois comme la documentation d’un processus et comme des photographies résolues dont la composition est aboutie.

beatriceboily.com @beatrice_boily